Questions de Genre à Dakar

Il y a quelques jours j’ai eu le plaisir de travailler avec l’équipe de Baobab à Dakar pour réfléchir aux questions de genre dans le cadre du projet African Women Rising Initiative avec le soutien de la Banque Européenne de Développement. Nous avons abordé différentes thématiques : des concepts de base sur le genre, à la souveraineté économiques des femmes et à l’accompagnement des femmes entrepreneurs avec un cursus dédié.  Vingt-quatre participants du réseau Baobab se sont joints à cet atelier, représentant non seulement les branches régionales mais aussi une diversité de postes à responsabilité au siège, à même de continuer de développer des politiques et des pratiques plus inclusives. De ces multiples conversations, exercices et réactions de mes collègues, je voudrais partager ici quelques points clés.

1.     La notion de genre est encore confuse, et parfois même tabou

Les questions de diversité, d’inclusion et de genre sont très présentes dans la presse, et sur les réseaux sociaux pourtant de profondes incompréhensions persistent.  S’attaquer aux questions de genre, c’est faire de la discrimination positive envers les femmes pour certains, ou bien c’est créer un nouveau déséquilibre en les favorisant, pour les autres. En examinant des données objectives pour nous aider à mieux comprendre la place des femmes dans le portefeuille des institutions de microfinance, mais aussi les multiples obstacles auxquels elles doivent faire face on peut changer de point de vue.

Par exemple, les données du gouvernement du Sénégal sur la place des femmes dans les institutions de microfinances sont révélatrices d’une opportunité. En effet, au 3ème trimestre 2022, les femmes ne représentaient que 27% du portefeuille de dépôt et 21% du portefeuille de crédit.[1] Tant en nombre qu’en volume, les femmes ne progressent pas, n’arrivent pas à dépasser ces seuils qui sont stables depuis plusieurs trimestres. Les participants ont été étonnés d’une telle disparité, surtout lorsque l’on s’aperçoit que les hommes ont accès à un volume de crédit bien supérieur, alors que les femmes remboursent mieux leurs prêts.

2.     Le temps : Une ressource précieuse pour les femmes

Bien souvent dans la relation avec une cliente, celle-ci doit se rendre plus d’une fois en agence pour ouvrir un compte, remplir une demande de crédit, ou accomplir des transactions au guichet. A travers un exercice retraçant les différentes étapes qu’une femme doit franchir depuis le seuil de sa porte jusqu’à son entrée à la banque, les participants ont pris « conscience des efforts que nos clientes font pour venir acquérir nos produits. » Qu’une cliente soit vendeuse de poissons au marché ou bien qu’elle ait un commerce industriel de riz, les barrières sont similaires. Dans cette simulation, Aida qui gère une grosse entreprise de commercialisation de riz à St Louis a trouvé portes fermées à l’agence, arrivée trop tard parce qu’elle n’avait personne à qui déléguer la gestion de son entreprise pour quelques heures. Aminata qui vend du poisson à Pikine a pu arriver à temps, mais elle a craint que le vigil ne la laisse pas rentrer. De nombreuses autres barrières ont été identifiées par les membres des six groupes qui ont tiré ces exemples de leur propre expérience auprès de cette clientèle féminine : barrière linguistique, ne pas connaître son numéro de téléphone portable, avoir perdu ses empreintes digitales à force de travaux ménager, insuffisance de garanties, manque de documentation…la liste est bien longue.

Aminata et son équipe partagent leurs expériences avec les femmes membres de groupes de crédit.

3.     Les femmes ont un potentiel énorme

En fin de journée, un consensus s’est dégagé sur l’opportunité considérable que représentent les segments des femmes investies dans les TPEs et les PMEs. Cette prise de conscience qu’en adaptant nos comportements pour mieux servir ces entrepreneures se fait jour : prendre plus de temps pour mieux expliquer ce qu’est un crédit, pourquoi il est nécessaire d’épargner. Ne pas imposer nos comportements et croyances, mais accompagner les femmes en leur posant des questions et en les outillant pour qu’elles gèrent mieux leurs activités. Un participant résume bien le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir : « L’utilité de cette formation est d’avoir un autre aperçu du genre et des obstacles qui y sont liés » - en changeant de point de vue, on acquiert une vision différente. Enfin, les participants ont une meilleure appréhension du potentiel : les femmes qui sont plus prudentes en termes de risque méritent d’être accompagnées non seulement avec des produits financiers adaptés, mais aussi avec des services non financiers qui contribuent à solidifier leur confiance en elles, tout en leur apportant les compétences de gestion qu’elles n’ont pas pu acquérir.

Adapter services et comportements, au bout du compte, « ce n’est pas du favoritisme, mais il est fort de reconnaître l’impact économique de la femme. »

 

 

 



[1] Gouvernement du Sénégal – ministère des Finances, Direction de la Réglementation et de la Supervision des Systèmes Financiers Décentralisés – Note au 3éme Trimestre 2022.

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